Jean Boulet- Alexandre Leduc
Le combat politique intense sans haine
Paru le mardi 01 mars 2022 | Catégorie: Députés et ministres
(R.I.) Le ministre du Travail, Jean Boulet, et son vis-à-vis de Québec solidaire, Alexandre Leduc, sont des politiciens aux idées très différentes. Ils se sont affrontés solidement à plusieurs occasions. Mais à la manière de deux pugilistes, ils ont fini par développer un grand respect l’un pour l’autre.
À plusieurs reprises, malgré les différends, Jean Boulet a eu des mots chaleureux pour ses adversaires, surtout pour « Alexandre ». À l’occasion du débat sur le projet de loi 14 sur les stagiaires, ce dernier lui a rendu la pareille :
« J'ai compris qu'on n'aurait peut-être pas de nouveau projet de loi du ministre du Travail d'ici la fin de la législature, alors je me permets donc […] de prendre quelques instants pour le saluer. J'ai encore envie de l'appeler Jean, je vais me rectifier, je vais l'appeler M. le ministre. M. le ministre, on a travaillé ensemble depuis le tout début de la législature, on a fait six projets de loi ensemble. […] J'ai gardé le portefeuille du Travail du début à la fin, le ministre aussi. […]
Alors, on s'est, je dis, affrontés, mais c'était une belle partie de ping-pong, quand même, à six reprises, donc sur six projets de loi différents. Il y en a deux, je pense, qui sortent du lot […]. Celui qui est le plus marquant reste le projet de loi 59, n'est-ce pas? La grande réforme de la santé et sécurité du travail, où nous avons consacré 193 heures de travail en étude détaillée dont, je pense, je peux en revendiquer une majeure partie, de ces heures, avec mes nombreuses questions au ministre […]. Il faut dire que c'était une grosse réforme quand même, hein, presque 400 articles, si on inclut les règlements qui étaient annexés à la loi. […]
Je sentais des fois que ça agaçait peut-être ses collègues du Conseil des ministres, je leur disais aux autres ministres : prenez exemple sur votre collègue le ministre du Travail. Quand il arrive en étude détaillée et qu'on ouvre l'étude détaillée, il dépose tout de suite l'entièreté de ses amendements à venir.
Et ça, pour les députés d'opposition, c'est vraiment un outil important puis intéressant. Ça nous permet, d'une part, de voir la pensée politique du ministre, où est-ce qu'il s'en va, et ça nous permet de ne pas travailler dans le vide, à savoir de nous-mêmes préparer des amendements que finalement lui a déjà l'intention de déposer. […] J'ai toujours trouvé que c'était élégant de la part du ministre de le faire […] je pense que le ministre met la barre à une certaine hauteur […].
Le ministre du Travail, c'est un ancien négociateur, hein? Moi aussi, de l'autre côté de la table. On n'avait pas eu, évidemment, à faire face, l'un et l'autre, dans nos anciens métiers respectifs. Mais on a eu à négocier beaucoup, en particulier sur le projet de loi 59. Et c'est un bon escrimeur, le ministre. Il sait où il s'en va. Il sait en même temps qu'il y a un rapport de force. Il sait qu'il va falloir céder quelque chose. Il écoute ce qui se passe dans la rue, hein?
[…] Et là-dessus, j'ai toujours trouvé qu'il avait l'élégance de répondre au téléphone quand je l'appelais. Je n'en ai pas abusé non plus, je crois, mais j'avais toujours une réponse ou un retour d'appel le jour même. C'était toujours très apprécié, bien sûr.
Dans nos différents échanges, même au plus lourd de l'étude détaillée du P.L. 59, on n'est jamais tombés dans les coups bas. On n'est jamais tombés dans les méchancetés. On n'est jamais tombés dans les attaques personnelles. Et je pense que c'est tout à la reconnaissance de monsieur le ministre d'avoir fait ça, d'avoir fait ce bon travail, et je le salue. J'ai beaucoup apprécié les six projets de loi auxquels on a travaillé ensemble. Ça a été toute une expérience.
[…] Je ne sais pas si d'aventure nous échangerons de siège dans la prochaine législature, où je serai ministre du Travail et lui sera mon vis-à-vis de l'opposition. Si c'est le cas, je m'engage à être aussi collaboratif qu'il l'aura été durant ces quatre années. Alors, merci pour tout, monsieur le ministre. [..]. »
(Extrait du Journal des débats du mercredi 23 février 2022)
-30-