
Message au gouvernement
Loi P-38 : le ministre doit faire preuve de patience
Paru le mercredi 17 septembre 2025 | Catégorie: Santé - 2
(R.I.) L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ) joint sa voix à celle d'autres organismes et de milliers de personnes premières concernées dans un appel au ministre Lionel Carmant à faire preuve de patience et d'attendre la publication du rapport de l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) avant de considérer toute modification à la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (P-38).
L'AGIDD-SMQ insiste également pour que tous les acteurs concernés, en particulier les personnes directement touchées, soient pleinement consultés dans le cadre de cette révision.
Un élargissement qui ne fait pas consensus
L'élargissement de la P-38 en réponse aux enjeux de prévention en santé mentale et de sécurité publique est loin de faire consensus. Au contraire, les témoignages recueillis par l'AGIDD-SMQ dépeignent une réalité bien différente de celle présentée dans le discours public récent.
Les témoignages recueillis par l'AGIDD-SMQ, notamment dans le cadre d'un mémoire soumis à l'IQRDJ, révèlent un contraste frappant entre les discours médiatiques récents et la réalité douloureuse vécue par plus de 300 personnes ayant subi une hospitalisation forcée.
Des problèmes d'application plutôt que de rédaction
Le Protecteur du citoyen et des recours collectifs récents soulignent que la P-38 est souvent mal appliquée, les personnes hospitalisées étant maintenus en établissement au-delà des délais prévus, souvent sans que la dangerosité initiale soit toujours avérée, parce que les systèmes de santé et de justice sont débordés.
Un élargissement du mandat de la loi ne ferait qu'exacerber ces problèmes existants, car le cœur des enjeux réside dans son application, non dans son libellé actuel.
Vers un critère flou : le «risque de compromission» inquiète
La coalition propose de remplacer le critère actuel de «dangerosité immédiate pour elle-même ou pour autrui» par celui de «risque de compromission de la personne».
Cette modification apparemment technique entraînerait un élargissement significatif du pouvoir médical d'imposer une hospitalisation contre le gré des personnes vulnérables, sans améliorer la sécurité publique, et en mettant davantage en péril un système de santé déjà sous pression.
Rappelons qu'au Québec, entre 2016 et 2023, plus de 134 351 gardes préventives ont été ordonnées sous le critère restrictif actuel, et ce, sans jugement de cour ni possibilité pour les personnes de se faire entendre.
Un concept aussi évasif que le «risque de compromission» risque de médicaliser les problèmes sociaux et de renforcer le contrôle social sur les populations marginalisées : personnes en situation d'itinérance, personnes neuroatypiques, personnes issues de communautés stigmatisées, ou simplement celles qui dévient des normes sociales.
L'importance de la consultation
Le rapport de l'IQRDJ, attendu dans les prochaines semaines, synthétisera plus d'un an de réflexions menées par des chercheurs, des groupes de personnes premières concernées et des praticiens.
Le ministre se doit de faire honneur à ce travail rigoureux en attendant sa publication avant d'envisager toute modification législative.
«Il est préoccupant de constater qu'on envisage des modifications aussi fondamentales à une loi touchant directement les droits et libertés des personnes les plus vulnérables, alors qu'un processus de consultation est toujours en cours», déclare François Winter, porte-parole de l'AGIDD-SMQ. Les 300 témoignages que nous avons recueillis montrent clairement que le problème n'est pas dans la loi elle-même, mais dans la façon dont elle est appliquée. Élargir les critères sans corriger ces dysfonctionnements ne ferait qu'amplifier les traumatismes vécus par les personnes.»
En réponse à l'article de Radio-Canada du 15 septembre : «Protection des personnes dont l'état mental présente un danger : la pression monte»
Dans cet article, Radio-Canada présente une coalition composée de l'Association des médecins psychiatres du Québec, la Confédération des associations de proches en santé mentale du Québec ainsi que M. Luc Vigneault, personne vivant avec un problème de santé mentale, qui fait pression sur le ministre Carmant pour réformer la loi P-38 dès l'automne.
Bien que M. Vigneault témoigne positivement de son expérience d'hospitalisation forcée, l'AGIDD-SMQ tient à rappeler que son projet de parole collective ReprésentACTION SMQ a mené une consultation panquébécoise auprès de 300 personnes ayant vécu une garde en établissement sous la P-38.
Les conclusions du mémoire déposé à l'IQRDJ sont sans équivoque : l'hospitalisation forcée aggrave souvent les problèmes de santé mentale des personnes qui la subissent, en raison des conditions d'hospitalisation, des violences institutionnelles et de la désaffiliation aux services qui en découle.
L'AGIDD-SMQ tient à souligner que les changements proposés par cette coalition ne représentent pas une avancée par rapport aux autres provinces canadiennes, mais constituent plutôt un retour vers les pratiques asilaires.
L'AGIDD-SMQ demeure vigilante et continuera d'assumer pleinement son rôle de défense des droits des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale.
À propos de l'AGIDD-SMQ
L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec regroupe des organismes dédiés à la défense des droits des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale.
SOURCE Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)
-/-/-/-/-/-
(R.I.) : communiqué repris intégralement.