Demandeurs d’asile
Les aéroports sont des «passoires», selon François Legault
Paru le vendredi 19 janvier 2024 | Catégorie: Immigration, Inclusion
(LCP) Le premier ministre François Legault demande à Ottawa d’agir au plus vite dans le dossier des demandeurs d'asile, une «affaire urgente et de la plus haute importance» qui risque de s’aggraver si rien n’est fait.
Dans une lettre adressée au premier ministre canadien Justin Trudeau, il réclame «formellement» un resserrement de la politique canadienne d’octroi des visas.
«Les aéroports, notamment de Toronto et de Montréal, sont en train de devenir des passoires et il est temps d’agir», selon François Legault.
«Considérant les données actuelles qui montrent que les ressortissants mexicains représentent une proportion croissante des demandeurs d’asile arrivant au Québec, la possibilité d’entrer au Canada en provenance du Mexique sans visa explique certainement une partie de l’afflux des demandeurs d’asile», dit-il.
Durant les 11 premiers mois de 2023, recense-t-il, «pas moins de 59 735 nouveaux demandeurs d'asile ont été recensés au Québec. Les projections montrent qu'un nombre record de 65 000 demandeurs serait atteint cette année au Québec».
Un aussi grand nombre de personnes génère une pression très importante sur les services publics, insiste le premier ministre.
Les écoles «débordent» en pleine pénurie d'enseignants et de locaux, la crise du logement s’accentue et les refuges pour sans-abris «débordent».
La pression se fait aussi sentir sur l’aide sociale. «Les demandeurs d’asile constituent maintenant 16 % des prestataires de l’aide de dernier recours», mentionne François Legault.
Il réclame notamment du gouvernement fédéral un remboursement des 470 millions $ encourus pour les services publics pour les années 2021 et 2022 et il souhaite la même chose pour les années subséquentes.
Il réclame aussi une répartition plus équitable des demandeurs d’asile à l’échelle canadienne.
La ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a fait une tournée des médias hier pour élaborer sur la lettre de son patron. Elle explique pourquoi le gouvernement du Québec souhaite que les demandeurs d’asile soient répartis à la grandeur du Canada.
«Les organismes gouvernementaux de même que les organismes qui accompagnent les personnes immigrantes et les demandeurs d’asile ont des ressources qui sont extrêmement pressurisées. Donc, il faut faire en sorte de ne pas passer à une rupture de services. C’est ce qu’on veut éviter à tout prix», selon Christine Fréchette.
Les organismes non gouvernementaux sur le terrain, dans la métropole, sont particulièrement affectés puisque la ministre constate que les demandeurs d’asile sont «presque totalement installés à Montréal».
Du côté du gouvernement du Québec, plus de 1 100 classes d’accueil en éducation ont dû être mises en place alors que les ressources humaines sont plus rares.
Le système de santé est sollicité. Et «plusieurs demandeurs d’asile se retrouvent en situation d’itinérance» en plein hiver. Les besoins sont grands aussi dans le secteur du logement.
Réponse d'Ottawa
«Nous étudions avec tout le sérieux qu’exige la situation la plus récente demande financière du gouvernement du Québec», assure le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.
«Nous allons poursuivre notre engagement auprès du gouvernement du Québec en travaillant avec eux pour trouver des solutions aux défis posés par le nombre important de demandeurs d’asile que le Québec accueille.»
De plus, «nous sommes en train d’évaluer toutes les mesures qui sont possibles pour permettre aux demandeurs d’asile qui le désireraient de se déplacer dans d’autres provinces», dit-il.
«Heureux de voir que le gouvernement fédéral s’engage à trouver des solutions», a réagi le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean François Roberge.
«Nous nous attendons à des gestes concrets, posés rapidement, pour colmater la brèche et rembourser les sommes encourues.»
Québec solidaire
Selon le député Guillaume Cliche-Rivard de Québec solidaire, «la lettre de François Legault est un aveu d’échec: ça fait plus de cinq ans qu’il est incapable de faire respecter le Québec à Ottawa, il est autant responsable du problème que Justin Trudeau», soutient-il.
«Nous sommes d’accord qu’il faut une répartition plus équitable des demandeurs d’asile au Québec et que le fédéral doit rembourser les frais encourus par l’accueil. La répartition des demandeurs d'asile doit respecter le poids démographique du Québec», insiste l’élu de Saint-Henri-Sainte-Anne.
Parti québécois
«Monsieur François Legault devrait regarder dans sa propre cour parce qu’il a choisi de manière très paradoxale de lui-même augmenter les seuils d'immigration qu’il contrôle, en brisant sa promesse électorale», juge le chef du Parti québécois.
«Il disait également que c'était une question de survie pour la nation québécoise de rapatrier les pouvoirs en immigration et que ça lui prenait un mandat fort pour avoir ce pouvoir. Ce n'est même pas dans la lettre de ce matin [hier]. Il écrit à Justin Trudeau, il n'ose même pas lui demander de pouvoir en immigration», déplore Paul St-Pierre Plamondon.
De l’avis du chef, si le premier ministre «échoue» dans sa manœuvre, «qu'il ait l'honnêteté de dire aux Québécois que la seule solution, c'est l'indépendance du Québec».
La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, pense au contraire qu’il est nécessaire d’agir maintenant.
«La seule chose que propose le Parti québécois, c’est l’indépendance du Québec. Nous, on gère ce qui touche les Québécois maintenant. Mes collègues ministres ont déjà envoyé plusieurs lettres à leurs homologues fédéraux», dit-elle.
CPQ
Au Conseil du patronat du Québec, on dit vouloir à «rectifier certaines affirmations» selon lesquelles l'immigration serait la principale cause de la crise du logement qui sévit actuellement au Québec et au Canada.
«C'est un raisonnement simpliste et dangereux de faire porter le chapeau de la crise du logement à l'immigration. Cette crise ne date pas d'hier. Cette situation découle d'une combinaison de facteurs tels que le manque de productivité dans le secteur de la construction, les fluctuations économiques et les coûts de construction élevés», déclare Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.
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